La ligue des loups
premier chapitre
Je m’appelle Leik, autant que je me souvienne, je n’ai rencontré personne dans ma vie portant ce nom là ; à maintes reprises déjà j’ai tenté de soutirer une réponse à ma mère et, c’est toujours par d’habiles répliques, qu’elle parvint à les esquiver. Ma mère, une jeune veuve resplendissante de beauté ( bien que chaque enfant pense que sa mère est celle qui possède le plus de dons du ciel, je vous assure que celle-là était un ange véritable !) et de perspicacité, avait « hérité » d’une modeste maison dans un trou perdu.. J’adorais malgré tout la forêt qui bordait notre maison et je me plaisais souvent à jouer dans le champ adjacent ; mais tout cela c’était avant. Avant que j’entre à l’école ; car un grave problème faisait plisser le front de ma mère et marquait mon visage. Je portais sur le front et autour des yeux des courbes noires et gracieuses, on aurait dit des tatouages si elles n’étaient ineffaçables, je possédais des yeux uniques puisqu’ils étaient entièrement bleus, je n’avais pas de pupille, ni de blanc. Ma mère me fabriqua un bonnet bleu foncé contrastant avec mes yeux et couvrant mes marques ; il me descendait jusqu’au milieu de l’arête du nez et contournait mes yeux.
Quelques jours plus tard, j’entrai avec ma mère dans la maternelle, mes yeux étranges inquiétèrent les autres enfants et ma mère dût fournir une longue explication aux enseignants.
Les années passèrent avec la même peur dans le regard des élèves et les mêmes gloses de ma mère ; la solitude dans laquelle je m’enfermai à l’école me fit perdre la parole ; je ne répondais plus ou que par monosyllabes. Je me représentai la vie comme un calvaire à supporter tout le jour, comme une torture inévitable qui me meurtrissait jusqu’aux tréfonds de mon âme. Cependant, je parvenais à subsister en me nourrissant du plus petit soleil éclairant mon existence…
Toutes les nuits, je sortais par la fenêtre de ma chambre et allai dans la forêt, le seul endroit où je trouvai la paix, c’était pour mon cœur comme un baume sur une blessure.. Les arbres majestueux me protégeaient de leurs longs bras noueux et la lune veillait sur moi. Je courai les bois de long en large et les connaissais par cœur. Mais ce que je préférai c’était m’adosser à un tronc près d’un point d’eau et attendre. Attendre et observer. Au début j’attendais deux heures pour pouvoir les apercevoir mais peu à peu ils s’habituaient à moi et à mes yeux étincelant dans le noir. Et aujourd’hui encore je les voyais, superbes sur leurs fins sabots, descendant le petit vallon qui leur permettait d’accéder au point d’eau, le troupeau de cerfs et de biche venait là tous les soirs pour se désaltérer et à chaque fois j’éprouvais un sentiment de bonheur devant leur grâce, qui me donnait envie de rire de félicité. Cependant aujourd’hui une toute autre sensation s’infiltra en moi, je n’arrivai à la traduire du bonheur de la tristesse, non, rien de tous ces sentiments humains, quelque chose que plus personne n’éprouve. Un cerf qui me dévisageait perçut la lueur dans mes yeux bleus, lui avait compris. Dans une explosion de sabots le cerf pris la fuite avec des cabrioles désordonnées par la panique, suivit des autres.
Je rentrai à la maison, déconcerté et triste, comme si un être cher m’avait trahit. J’étais redevenu moi-même. Je ne retournais plus dans la forêt et devenais sombre et taciturne. Ce comportement n’échappa pas à ma mère mais malgré ses regards insistants, elle ne dit rien mettant sûrement mon caractère sur le compte de l’adolescence.
En ce XXI°siècle, on avait quelques problèmes encore a supporter les différences ; il suffit d’un masque sur la tête et l’on vous exclue de tout…
L’été de mes 14 ans passèrent et à l’aube de mes 15 ans j’entrais en dernière année de collège dans un nouvel établissement, le dernier m’ayant rendu plus réservé qu’autre chose.
L’appréhension s’infiltra en moi, d’abord comme un bouton qu’on gratte et qui augmente en taille et en gène puis comme un venin qui viendrai paralyser et engourdir mon corps.
Le surlendemain, la veille de la rentrée, je ne tenais plus en place. Mes allers et retours ne finissaient pas. Ma mère je finis par sortir de la
Je me présentais à un arrêt de car désert après un levé pénible. Perdu au milieu des arbres gigantesque à la taille accrue par les ombres du matin et des buissons répercutant milles bruits et craquement, je me demandais si ce jour était bien celui de la rentrée des classes ou bien si un car passait par-là. J’imaginais mal un bus scolaire passant par cette minuscule route délabrée et caillouteuse. Le silence de la nuit fut bientôt remplacé par les chants des oiseaux saluant l’aube et les grincements joyeux des insectes encourageant le levé du soleil.
Un grondement sourd de machine détraquée me fit sursauter, le vrombissement était si puissant qu’il sembla me broyer les oreilles. Le car attendu déboula, blanc et jaune et les flancs striés de boue, dans un tournant proche et me chargea de toute la force de son moteur, il freina des quatre fers à quelques mètres seulement de moi et du reculer d’une bonne dizaine afin que je puisse pénétrer dans son antre. Mais je restai pétrifier, à la fois devant la brusquerie de l’arrêt et la peur d’entrer dans un monde inconnu.
Finalement, pressé par le chauffeur, je montai dans le bus. Pendant tout le trajet, j’entendais des murmures tout autour de moi, des questions en suspense à peine voilées, des paroles injurieuses dites sous cape. Sans interruption jusqu’à l’arrêt du car devant un établissement gris et terne, je dus supporter les quolibets blessants des autres. Je descendis précipitamment, espérant échapper aux critiques cinglantes. Je marchai en hâte jusqu’à la grille du bâtiment, barreaux de fers dressés sur mon chemin que ce soit pour entrer ou pour sortir de l’enfer. Je la maudis et m’infiltrai dans un monde encore inexploré qui me promettait d’avance bien des tourments…
je sais c'est long et décourageant mais votre avis me ferai trèès plaisir!!